La semaine
dernière j’ai rencontré par hasard au détour d’une visite dans un établissement
pour personnes âgées, une collègue infirmière qui avait l’air bien mal en
point. Elle préparait ses médicaments à distribuer le visage rougi par les
pleurs. Lorsque je me suis approchée pour lui demander comment elle allait,
elle m’a souri bravement et m’a dit : ça va aller merci… Une heure plus
tard, nous descendons ensemble à la cafétéria pour prendre un café. Elle s’effondre
en s’excusant.
« Le service est en pleine crise » me
dit-elle. « Nous avons trois
personnes malades. Elles ne sont pas remplacées car nous manquons de personnel.
L’ambiance dans l’équipe est exécrable. Toutes mes collègues me tombent dessus
car la charge de travail est inacceptable. J’en ai parlé à la direction qui me
répond qu’ils sont en train de chercher une solution et qu’il faut que je fasse
preuve de patience, que je n’ai qu’à mieux m’organiser ! Hier, nous étions
trois pour donner à manger à douze personnes totalement dépendantes en trente
minutes ! C’est intolérable. Et après ça on vient nous parler de la
qualité des soins avec des arguments statistiques pour nous prouver que notre
effectif est suffisant pour fonctionner. Oui, c’est probablement suffisant si
notre clientèle est autonome mais pas avec nos patient actuels. Moi, j’en peux
plus ! Je voudrais partir de là. Je sais que je suis à bout mais il est
impossible que je m’arrête car personne ne peut me remplacer et l’équipe ne
pourrait pas comprendre que je les laisse tomber… »
Voilà un
discours qui malheureusement n’a rien d’exceptionnel dans ce milieu.
Les
infirmières, les aides-soignantes ou les médecins sont confrontés
quotidiennement à une source de stress très importante, celle du poids de leurs
responsabilités devant la souffrance des individus. En Suisse, le niveau de
formation est bon, le personnel n’est donc pas en position d’incompétence.
Malgré cela, les conditions de travail sont très difficiles. Le manque de moyens
en temps et en personnel apporte une pression d’autant plus difficile à gérer
que les enjeux sont capitaux. Il s’agit de la santé voire même de la survie des
individus ! Si prendre du retard dans un dossier est stressant, qu’en
est-il lorsqu’il s’agit d’assurer les soins de patients qui souffrent ?
Or, de qui
dépendent les moyens nécessaires à la réalisation de ces soins ? De la hiérarchie ?
La direction
possède un avantage certains sur les soignants. Elle n’est pas en contact
direct avec la souffrance des individus. Dès lors, il est plus facile de
traiter les problèmes de manière distancée comme n’importe quel dossier. Cependant,
les membres des directions ne sont pas des monstres et ont également la
préoccupation de donner des moyens suffisants à leur personnel afin d’exécuter
leur travail dans des conditions acceptables. Mais comment faire lorsque les
décisions budgétaires sont imposées par un cadre plus haut encore telle que la
santé publique ? Ont-ils également les moyens à leur disposition afin d’exercer
leur rôle de cadre de manière satisfaisante ? Probablement pas…
Néanmoins, il
est une violence exercée de la part de certaines directions sur les soignants
qui est inacceptable : Lorsque les directions reportent leurs propres
manques de moyens à faire changer les choses en laissant croire au personnel
soignant qu’il s’agit d’un manque de compétence d’organisation de leur part !
Le personnel
soignant souffre d’un excès de responsabilités. Ils se rendent même
responsables de ce qui ne leur appartient pas c’est-à-dire des conditions de
travail rendant leur travail impossible à faire en respectant leur éthique. Il
est urgent pour eux de réaliser où s’arrêtent leurs responsabilités et de
cesser de culpabiliser lorsque la qualité des prestations n’est pas à la hauteur
de leurs exigences. Il est également urgent de dénoncer cette situation à leurs
hiérarchies sans avoir peur que leurs compétences soient remises en question,
de même qu’il est urgent que les hiérarchies prennent la mesure de la
souffrance de leur personnel qu’ils la transmettent aussi haut que nécessaire et
proposent des interventions concrètes afin de soulager ces ultra-professionnels
qui s’épuisent en masse…
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